L’unique centre d’accueil de jour pour femmes violentées de Douai a été  créé il y a près de deux ans, par Solfa. Depuis juillet 2020, des hébergements  d’urgence sont proposés dans l’agglomération. Selon des femmes  accueillies, cette association leur « a sauvé la vie ». Reportage.

Un lundi printanier, aux alentours de 11 heures, la rue de la Cloche de Douai est calme. Au numéro 36, un bâtiment en pierre blanche se dévoile. Une  plaque discrète marquée « Solfa », la plus grande association d’aide aux femmes  victimes de violence de la région, laisse deviner l’entrée du centre d’accueil de  jour Simone. 

« Et concernant sa situation actuelle, que conseillerais-tu ? » Dans la salle  principale, Zakia Baraka, la coordinatrice de la structure, François Pasquier et  Manon Drécourt, deux travailleurs sociaux, sont en pleine réunion  hebdomadaire autour d’une table en bois. Sur un canapé, une femme patiente avant son rendez-vous avec Me Kazmierczak, un avocat douaisien. « Il est là à titre de juriste, bénévolement. Il renseigne les femmes sur leurs droits dans le domaine des violences conjugales. C’est un des services que nous proposons ici,  explique Zakia Baraka. Nous pouvons répondre à des besoins de première nécessité avec notre machine à laver et le sèche-linge, une douche, un vestiaire.  Une bagagerie est également mise à disposition pour faciliter le départ du domicile conjugal, on peut y déposer petit à petit ses affaires », ajoute-elle, en  présentant chaque pièce. Le centre croule sous les dons matériels : des dizaines  de vêtements, des jouets, du lait en poudre pour bébé, etc… 

Le centre d’accueil de jour Simone a été installé en juin 2019. Avant cette date, aucun lieu spécialisé de ce type n’avait été mis en place dans le Douaisis. « Avant, on devait se rendre jusqu’à Hénin-Beaumont [ situé à une distance de  15 km] pour trouver un tel établissement. L’implantation de Solfa à Douai résulte d’une volonté politique de l’Etat et d’une forte demande sur place, la  ville est fortement impactée par les violences conjugales », précise Delphine Beauvais, la directrice du Pôle violences faites aux femmes de Solfa.  

Le centre d’accueil de jour Simone a enregistré plusieurs dizaines de dons de vêtements depuis sa création (Photo A.P)

932 appels de femmes violentées en 2020 

Les chiffres de l’association sur ce territoire le confirment : 870 passages et 932  appels de femmes violentées et 550 appels de partenaires (forces de l’ordre,  Centre communal d’action sociale, etc…) en 2020. « J’ai travaillé 18 ans à Hénin-Beaumont, et ce n’est pas comparable à Douai. Les sollicitations sont  considérables ici, il y a un réel besoin », fait remarquer Zakia Baraka. Trois appartements d’urgence, dont l’emplacement reste secret,  ont vu le jour en juillet 2020. Un dispositif dont ont bénéficié Sarah* et  Isabelle*. 

Sarah, 45 ans, une Marocaine de taille moyenne, foulard noué sur la tête, est  arrivée à Paris en janvier 2019, pour un séjour touristique. Elle y a rencontré un  Français, avec qui elle se mariera six mois plus tard. « Nous étions très  amoureux. Mais après, son masque est tombé, c’était un pervers narcissique et  un homme violent. Il n’avait pas d’emploi, il était constamment à la maison, se  souvient-elle, en pleurs. Une fois, il m’avait tellement frappée avec une bouteille d’eau que le médecin a relevé des bosses sur ma tête, plusieurs jours après ».  Sarah a vécu l’enfer pendant un an, et a tenté de se suicider à deux reprises. «  Lors d’une intervention chez moi, un policier m’a conseillé d’appeler le 3919, je  ne l’oublierai jamais. On m’a ensuite orientée vers Solfa en juin 2020 ». 

Quant à Isabelle, 43 ans, une femme mince aux cheveux bruns, elle a vécu vingt-huit ans avec son ex-époux, vingt-huit ans de calvaire. « Il me frappait souvent, même quand  j’étais enceinte. Les quatre dernières années, la violences s’est accentué, il  proférait des menaces de mort, il racontait comment il allait me tuer ». Elle s’est  alors rapprochée du Service d’investigation judiciaire, d’accès au droit et  d’insertion sociale (SIJADIS) de Douai, qui lui a conseillé de rejoindre Solfa à  la mi-2020. 

« C’est un soutien inespéré » 

Toutes deux se souviennent de leur premier contact avec l’association. « J’ai  parlé de mon histoire pendant près de deux heures avec une membre de  l’équipe, Manon. J’étais en larmes. C’est la toute première fois que je me suis sentie écoutée », se rappelle Isabelle, accompagnée de sa fille Julie*, une  adolescente. L’écoute, un des premiers objectifs de la structure. « A l’accueil de  jour, notre but principal est de recevoir, d’écouter et d’orienter au mieux les  femmes qui le souhaitent. Nous effectuons également un diagnostic de la  situation », énonce Zakia Baraka. Sarah en est encore émue. « Avec les autres  professionnels, ce sont eux qui m’ont aidée à faire de nombreuses démarches,  notamment ma plainte. Je ne savais pas que cela existait en France, mon ancien  mari me cachait tout. Ils m’ont aidée progressivement à rompre l’emprise. C’est  un soutien inespéré ». 

Les femmes victimes de violences sont écoutées par un professionnel du social dans un  bureau spécifique du centre d’accueil de jour Simone (Photo A.P) 

Des activités sont organisées par  le centre d’accueil de jour Simone. Un atelier concerne le bien-être, avec une  esthéticienne et une coiffeuse. « Les femmes qui ont été victimes de violence  n’ont pas toutes les mêmes attentes. Beaucoup aiment cet atelier car il permet  de se réapproprier son corps, de se chouchouter », confie Manon Drécourt.  « J’aime participer à cela. Ca me permet de me faire belle », sourit Sarah. 

Mais l’atelier hebdomadaire qui rencontre le succès le plus important demeure celui  de l’écriture. Même si son responsable, François Pasquier, fait preuve de  modestie concernant cette initiative, elle a bien des effets curatifs sur les  bénéficiaires. « Elle n’a pas de visée thérapeutique. L’objectif est de  désacraliser le fait d’écrire, de partager un récit de vie et de rompre  l’isolement. Les participantes ont un talent de dingue », décrit l’éducateur  spécialisé. Chaque semaine, Sarah et Isabelle attendent cette activité avec  impatience. « Franchement, c’est le meilleur des dispositifs bien-être qui existe  ici », lance la première. « Je ne sais pas comment le définir mais, quand je sors  de là, je me sens légère et apaisée. Il n’y a pas mieux », souffle Isabelle.  

Des résultats concluants 

Le centre Simone paraît indispensable aujourd’hui pour le Douaisis, selon  Dimitri Houbron (Agir), le député de la 17ème circonscription du Nord. Le  politique a soutenu la structure depuis son ouverture, notamment via  l’organisation d’un match caritatif. « Indéniablement, il y avait un gros déficit en  termes d’accueil de jour sur le territoire avant juin 2019. Nous n’avions pas  d’hébergements d’urgence il y a un an encore. Je ne peux que me satisfaire du  travail accompli avec Solfa, il faut continuer », annonce le parlementaire.  

Du côté de la délégation départementale aux droits des femmes du Nord, les  résultats fournis par Solfa à Douai sont concluants. « Nous avons financé  l’établissement car l’association est experte en matière de violences conjugales.  Au vu des chiffres, il y avait un besoin important », affirme Nathalie Thibaut, la  déléguée départementale. Près de 30 000 euros sont injectés annuellement par  l’Etat dans la structure de Douai. Même si cette somme est jugée importante,  elle ne suffit pas pour Solfa, qui bénéficie également de quelques mécénats.  

Actuellement, une dizaine de places d’accueil d’urgence sont mises à disposition  par le centre Simone, mais 36 demandes ont été refusées temporairement, faute  de capacité d’hébergement. Dans les Hauts-de-France, Solfa n’a pas pu accéder à la requête de plus de 300 femmes violentées pour les mêmes motifs. Sarah conclut : « Solfa est une association qui soutient des personnes en extrême détresse. Elle m’a sauvée. Une fois que j’aurai trouvé une situation financière  stable, je l’aiderai, pour rendre la pareille ».

*Prénoms d’emprunt

Pour contacter le centre d’accueil de jour Simone, composez le 07 66 12 09 20 ou envoyez un mail à ajsimone@asso-solfa.fr

Aurélien Pol 

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