De sa naissance à ses 7 ans, P., une femme d’une vingtaine d’années, a été témoin de violences conjugales. Sa mère battait son père. Jusqu’à ses 18 ans, sa mère a exercé une emprise sur sa personne. Marquée à vie, elle témoigne de ce passé douloureux.

Appelez-moi P., je veux être désignée ainsi dans mon témoignage. C’est la première lettre de mon prénom. » Assise au coin d’une table dans un appartement de Lille, aux côtés de son amie, P., 24 ans, les cheveux roux mi-longs, s’apprête à évoquer son enfance cauchemardesque. Cette étudiante brillante au sourire accroché au visage a toujours pris soin de ne rien laisser transparaître et de cacher son passé. « J’ai toujours eu peur que ça se voit, comme si j’avais une étiquette scotchée sur mon front. » 

Quand tout commence, P. et ses parents vivent dans un appartement, près de Lille. P. prévient d’emblée : « Je ne me souviens pas de tout. » Elle sait qu’il y a eu de nombreux épisodes de violences, à la fois physiques et psychologiques, mais elle ne se remémore « que les plus marquants ». P. a vécu le pire : une enfance sous la peur d’une mère violente, Ursula*, qui battait son père William*, une situation rare. Jusqu’à sa majorité, la jeune femme estime avoir grandi sous l’emprise de sa mère. « L’emprise, c’est à la fois une dépendance affective et une dévalorisation de la personne. C’est battre le chaud et le froid en permanence », explique Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et ex-psychologue scolaire. 

« J’ai vu ma mère avec un couteau sous la gorge de mon père »

De sa jeunesse, elle ne garde aucun souvenir positif avec sa « mère bio », comme elle l’appelle désormais. Des moments joyeux, oui elle en a, mais avec son père seulement : « C’est lui qui me brossait les cheveux, qui m’a appris à faire la cuisine et qui me bordait le soir. » D’Ursula*, ne persiste dans sa mémoire que ses excès de colère et sa violence envers son père. À l’âge de 5 ans, un soir, elle entend « papa » pleurer et voit sa mère le frapper à coup d’annuaire.

Un autre midi, elle assiste à l’effroyable : « J’ai vu ma mère avec un couteau sous la gorge de mon père. » Elle a peur. Et elle ressent un conflit de loyauté vis-à-vis de ses parents. Ernestine Ronai préfère parler de « conflit de protection » : « L’enfant est dans une position où il doit choisir entre se protéger ou protéger le parent violenté. » À partir de ce moment-là, « j’avais peur d’aller à l’école et de laisser papa seul avec ma mère et aussi peur de revenir ».

P. interrompt son récit, lève les yeux puis baisse la tête en couvrant son visage. Des larmes ruissellent sur ses joues, sa respiration devient plus profonde. Son amie caresse son dos. Après cinq minutes de silence, P. confie d’une voix tremblante : « À 7 ans, ma mère a demandé le divorce. Tout est parti en vrille par la suite. Cet épisode de ma vie, je ne l’ai raconté à personne. »

« Chez elle, j’avais la boule au ventre »

Le juge déclare le divorce et opte pour la résidence alternée. Les semaines chez William se déroulent sans problèmes, malgré des mésententes avec sa belle-mère. « Je haïssais toutes les femmes et sa nouvelle conjointe. Je craignais qu’elle reproduise les violences subies par papa. Personne ne pouvait le protéger, à part moi. » Les séjours chez sa mère sont des cauchemars éveillés.

« Chez Ursula, j’avais la boule au ventre. » Dans cette maison, l’hygiène est déplorable, les draps ne sont jamais propres, la lessive est rarement faite. « Il a fallu être autonome rapidement. Souvent, j’allais à l’école sans manger. » Les excès de colère sont fréquents, trop fréquents. « J’anticipais tous ses propos et ses réactions. Suite à cela, pendant longtemps, j’ai analysé les comportements de tous les gens que je rencontrais. » 

P. regrette que ses éléments désastreux de sa vie n’aient pas été divulgués à la justice. « Un juge l’aurait pris en compte. Le plus important c’est la sécurité de l’enfant. Ce n’est pas le cas ici », souligne Me Anne-Claire Joseph, avocate au barreau de Paris spécialisée dans les affaires de droit de la famille. À l’âge de 12 ans, sa mère quitte le Nord, la garde exclusive revient à son père. Une stabilité s’installe, temporairement. 

« J’avais l’impression d’être le fruit du conflit de mes parents »

En surface, tout semble aller bien. Pourtant, en profondeur, la peinture s’écaille du côté de P. Elle commence à développer un mal être et ressent de la culpabilité envers ses parents. « Je ne m’aimais pas. J’avais l’impression d’être le fruit du conflit de mes parents et que si je n’existais pas, ce serait mieux. » Un sentiment que partagent beaucoup d’enfants co-victimes de violences conjugales. « Il y a une perte d’estime de soi du parent victime, qui l’amène à délaisser son propre rôle de parent. Et au final, l’enfant pense directement que c’est de sa faute », explique Ernestine Ronai. 

Au collège, elle est moquée et insultée par ses camarades. « J’étais rousse, j’avais des bagues, j’étais boulotte, je n’avais rien pour moi », raconte aujourd’hui P. avec un sourire en coin. Elle a des idées suicidaires, se scarifie et devient boulimique. Ce trouble du comportement alimentaire, elle le subit encore par intermittence aujourd’hui. 

« Ma mère se pointe après un an et demi d’absence chez mon père. » Le calvaire reprend pour P. Une demande de garde alternée est déposée au cabinet du juge. «  Retourner de nouveau chez elle, ça jamais ! J’ai écrit une lettre au juge. » Ce dernier décide que P. passera un week-end sur deux au domicile de sa mère, de 10 h à 19 h. C’est un cataclysme pour la collégienne. 

« Il y avait des périodes bizarres où elle me distribuait de nombreux cadeaux »

«  L’avis des enfants n’est pas assez pris en compte. Les juges ont conservé une vision stéréotypée, les mamans sont avantagées. » Me Anne-Claire Joseph ne partage pas ce ressenti. « Les enfants ne font pas partie de la procédure mais sont considérés comme concernés. Au niveau de la loi, ils doivent être informés par les parents sur leurs possibilités d’action : l’envoi d’une lettre, le témoignage, etc. Ces dernières années, on constate une évolution concernant les résidences alternées, les juges mettent les deux parents sur un pied d’égalité. »

P. est condamnée à rendre visite à sa mère toutes les deux semaines. « À chaque fois, elle tentait de me monter contre mon père. Elle disait qu’elle ne l’avait jamais frappé. Sa force de persuasion était tellement forte, je doutais par moments. » À 16 ans, le physique de P. devient plus « agréable » et ses notes sont excellentes. Cette évolution ne convient pas à sa mère. Ursula la dénigre. « Il y avait des périodes bizarres où elle me distribuait de nombreux cadeaux. » Cette situation n’étonne pas Ernestine Ronai. « L’objectif est de déstabiliser psychologiquement ses victimes. Je te fais du mal donc je t’offre des cadeaux mais dès que ça va mieux, je reviens à la charge. » À sa majorité, P. décide de couper les ponts avec sa mère.

« J’ai réussi à accepter ce passé, j’ai appris à digérer » 

« Chez le psy, quand je parle, tout est centré sur elle. C’est un grand sujet ma mère bio, c’est d’ailleurs LE sujet. » P. consulte un psy depuis deux ans. Plusieurs fois, elle a changé de spécialiste avant de trouver celui qui l’aide à mettre des mots sur son mal-être et à en parler : « J’ai réussi à accepter ce passé. J’ai appris à digérer. »

Au-delà de ses médicaments et de son suivi psychologique, qui sont « une béquille » pour elle, P. trouve un véritable refuge dans le travail. « Je donne des cours de langue en plus de mes études, mes élèves me font tout oublier. »

P. n’a à ce jour « pas peur d’être violente » et de reproduire le schéma de sa mère. Hypersensible et empathique, elle sait que cela n’arrivera pas. Mais elle ne supporte plus la violence, même à la télévision. « C’est triste oui, mais je ne suis pas morte. Mon passé est négatif, autant en faire quelque chose de positif en m’impliquant. » Elle décide alors de rejoindre la Consorie de Seh, un groupe créé par d’anciennes victimes de traumatisme en octobre 2020. L’objectif du collectif est d’apporter un soutien aux personnes traumatisées, via notamment la mise en ligne de témoignages sous forme de podcasts. P. a partagé le sien à la fin décembre.  

Marie Joan et Aurélien Pol

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