L’hôpital Seclin a présenté en novembre une exposition photo portant sur les violences psychologiques faites aux femmes. Toutes sont dénudées, sans traces de coups visibles. Un parti pris que nous expliquent le photographe Bernard Delhalle et la responsable de communication de l’hôpital, Sandra Prevoteau.

https://youtu.be/Qlnp_KQi40E

 

« Chaque cliché raconte une histoire qui n’est pas forcément celle de la personne photographiée, parce que je ne suis pas là pour dévoiler sa vie ». Bernard Delhalle passe en revue son exposition photo, sous les néons blafards d’un couloir de l’hôpital Seclin. Pas vraiment le genre d’endroit où on attend une exposition sur les violences psychologiques faites aux femmes.

C’est précisément ce qui a intéressé Sandra Prevoteau. La directrice de communication de l’établissement a eu vent de l’existence de cette exposition par une collègue de l’hôpital d’Armentières, où elle avait déjà été présentée. « C’est pour ça qu’on l’a mise dans un lieu de passage, assure-t-elle. Il était important que ces photos soient accessibles et visibles par tous ».

L’un des objectifs premiers de cette exposition, dans une période où les violences faites aux femmes sont très médiatisées, est de faire de la prévention une priorité. Le 25 novembre dernier avait lieu la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, tandis qu’un mois avant se déroulait l’opération « Octobre rose », visant à favoriser le dépistage des cancers féminins. «  On essaye de coller à l’actualité santé » explique Sandra Prevoteau.

L’idée de cette expo photo est venue après que Bertrand Delhalle a été contacté par des femmes victimes de violences psychologiques de la part de leur conjoint. « C’est l’exemple d’une femme qui allaite ses enfants, et puis son mari qui regarde sa poitrine dans la salle de bains et qui dit quel massacreraconte-t-il […]. Une autre qui regarde la télévision quand soudain son conjoint lance ah bah tiens, celle-là est quand même vachement mieux foutue que toi ».

Pour préparer son exposition, le photographe s’est inspiré de l’émission de télé-réalité Belle toute nue, où des femmes rondes apprennent à accepter leur corps. Les femmes photographiées en noir et blanc, elles, n’ont aucun problème de poids : « C’est vrai qu’elles sont toutes jolies, admet Bertrand Delhalle. Quelquefois on me dit : ce sont toutes des mannequins. Non, ce n’est pas vrai. La plupart, c’est madame-tout-le-monde ».

« Si ces femmes avaient été couvertes de bleus, le débat n’aurait pas eu lieu »

Ces portraits anonymes n’ont pas plu à tous les visiteurs et visiteuses, patient·es comme soignant·es. Quatre portraits, présentant notamment des femmes portant de la lingerie, ont été retirés. Sur toute l’expo, six autres auraient pu connaître le même sort. « Comme on n’est pas dans un musée, il n’y a personne pour accompagner cette exposition-là. Donc on ne sait pas comment les gens la perçoivent. On ne sait pas ce que ça réveille chez eux » analyse Sandra Prevoteau.

Sous chaque photo, un court poème, écrit par la directrice de la communication de l’hôpital d’Armentières : Aurore, l’Ange, Aphrodite, etc. Les portraits se succèdent, alors que le photographe déplore le peu de cas fait des violences psychologiques dans la société. « Lorsque qu’une femme se rend au commissariat de police pour porter plainte parce qu’elle a subi des violences verbales, le flic va dire oui mais attendez vous n’avez pas de coups, vous n’avez pas vu de médecin légiste”, mais on peut démolir quelqu’un avec les mots ! s’emporte Bertrand Delhalle. C’est facile, c’est même plus vicieux, parce qu’il n’y a rien, il n’y a pas de traces ».

Un constat que partage Sandra Prevoteau. « On met plus en avant les violences physiques, reconnaît la directrice de communication. Je pense que les violences psychologiques, c’est plus compliqué à mettre en image : si ces femmes avaient été couvertes de bleus, le débat n’aurait même pas eu lieu ».

Maya ELBOUDRARI, Benjamin RECOUVREUR et Louis DE BRIANT

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