Estelle Kuil tient le cabinet de psychologues PSYCCAP Bien-Etre à Lille. Spécialisée en thérapie comportementale et cognitive (TCC) et en victimologie, elle reçoit régulièrement des victimes de violences conjugales.

Je suis psychologue mais j’utilise toujours la psychothérapie.” Estelle Kuil est spécialisée en thérapie comportementale et cognitive (TCC), une méthode centrée sur les émotions et la perception que le patient a de lui-même. La TCC a pour objectif de corriger cette perception, qui fait souffrir la personne en raison de son caractère négatif et erroné. Pour Estelle Kuil, “c’est du concret. On réfléchit aux problématiques de chaque patient pour y trouver des solutions. La thérapie comportementale et cognitive nous apprend à assouplir une histoire qui nous a construit, à devenir indépendant et libre, à se rendre plus fort et à savoir réaffronter certaines situations”. 

Auprès des victimes de violences conjugales qu’elle reçoit, Estelle Kuil insiste sur un point : “Nous sommes un binôme.” L’objectif : travailler en équipe. Elle leur consacre un an de suivi en moyenne.  Les premières séances permettent de “tout réexpliquer” et de réfléchir au vécu de la patiente. Viennent ensuite les exercices pratiques, qui débutent avec un tableau : une colonne est réservée à “ce que je veux”, l’autre à “ce que je ne veux plus”. La psychologue leur pose aussi des questions, comme “Malgré toute la violence que j’ai vécu, de quoi suis-je fière ?” ou encore “Avec le recul, puis-je retravailler une ou deux situations pour en sortir vainqueur ?”. À chaque séance, elle et sa patiente repèrent les “situations difficiles” pour les retravailler, grâce à la TCC : “La thérapie est un outil mais ce n’est pas un outil miracle. Son intérêt est d’examiner l’impact qu’a eu notre histoire sur nous, pour ensuite l’assouplir. Elle permet de comprendre notre mode de fonctionnement.”  

Si Estelle Kuil est particulièrement apte à recevoir des victimes de violences conjugales, c’est grâce à son autre spécialisation : la victimologie. “C’est mon père qui m’en a parlé. J’ai intégré le premier diplôme universitaire ouvert en 1995. J’ai adoré.” En parallèle, elle suit un DESS (diplôme d’étude supérieur spécialisé) sur la thérapie comportementale et cognitive (TCC) à l’université Lille 3. Diplômée en 1996, elle installe son premier cabinet rue de la Halle à Lille un an plus tard, avant de déménager ses locaux rue Jacquemars Giélée en 2014. Aujourd’hui, elle dirige une équipe de trois psychologues, toutes formées en TCC. “Elles ont chacune leur spécialité à côté : obésité, couple, famille …”. Et ont leur propre bureau : “Quand on fait un métier où on reçoit tant de violence, il faut une vraie qualité de vie professionnelle.”

« En victimologie, on y met ses tripes »

Grâce à sa spécialisation en victimologie, Estelle Kuil sait “recevoir les émotions” de ses patientes. “Quand on travaille en victimologie, on y met ses tripes. On va chercher la victime au fond du trou. Elle ne sait plus quoi faire de ses émotions donc il faut absolument qu’elle les exprime à nouveau.” Et quand le suivi d’une patiente se termine, Estelle Kuil garde le contact, en lui demandant de la rappeler si une nouvelle histoire conjugale commence. Pour être certaine que sa patiente ne retombe pas dans l’engrenage des violences, la psychologue lui demande de “dire non, critiquer et faire une demande” au nouveau conjoint. S’il répond sereinement, Estelle Kuil estime que sa patiente peut se sentir en confiance.

Repérer les situations difficiles pour les retravailler, Estelle Kuil le fait aussi avec des auteurs de violences conjugales. “Certains sont venus me dire ‘J’ai levé la main sur ma femme’ avant de s’effondrer. D’autres disent qu’ils n’arrivent pas à contrôler leurs humeurs. Mais tous ont du mal à gérer leurs émotions.” La psychologue définit le mécanisme des violences conjugales comme une “dynamique, avec un émetteur et un récepteur. Ils ont un vecteur commun : la notion de contrôle et de domination. Quand la violence commence, le but est de gagner.” Mais elle différencie les façons d’agir entre une femme et un homme : “Il y a quelque chose de primaire chez l’homme agresseur, alors que la femme agresseure intellectualise.”

« Transmettre la certitude qu’on peut s’en sortir »

Mais qu’elle reçoive victimes ou auteurs de violences conjugales, Estelle Kuil tient à une chose : “À la fin de chaque entretien, la personne doit ressortir avec le sourire.” Son objectif est de “transmettre la certitude qu’on peut s’en sortir”. Pour y arriver, il faut “les aider à s’exprimer, leur faire comprendre pourquoi il faut parler, analyser les conséquences de leur vécu et faire un ‘plan d’action’ pour s’en sortir.” Un “plan d’action” établi pendant les séances, qui durent de 45 min à 1h. “Elles sont toujours dynamiques. Parfois, les personnes ressortent fatiguées.”

Estelle Kuil a “la chance de ne pas avoir beaucoup besoin de sommeil.” Très active professionnellement, elle l’est aussi en privé. Secrétaire adjointe d’un club de voile près de Valenciennes, elle a aussi créé en mars dernier un “Atelier pour femmes”. Ce club sportif, monté avec une amie, propose entre autres du bateau, du vélo et bientôt des cours de self défense. Cette native de Lille, qui a grandi entre la famille ouvrière de son père et celle, plus favorisée, de sa mère, a “baigné” dans la psychologie depuis “toute petite. Ma mère était psychologue à l’AFPA [Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes].” Elle a aussi fait sa propre thérapie, entre 25 et 30 ans : “Quand on gère des personnes au vécu lourd, il faut être bien dans sa propre vie.” Aujourd’hui, Estelle Kuil garde près d’elle de quoi tenir dans les moments difficiles : un lutin noir, rangé dans un tiroir de son bureau. A l’intérieur, des petits mots de ses patients, adultes et enfants, qu’elle conserve précieusement depuis 1997.

 

Margot TURGY

 

 

En savoir plus sur Rompre l'emprise

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading