Un prénom modifié pour une histoire bien réelle. Ce prénom permet à une jeune femme du Nord de raconter son expérience sans ambages et de lancer un appel aux autres femmes victimes de violences conjugales. C’est l’histoire d’Isabelle. 

« J’ai été une victime mais je ne le suis plus. Le fait d’être victime n’est pas une condition permanente, c’est un moment. Ce moment est terminé. » Les mains d’Isabelle tremblent, mais sa voix est ferme et claire : la jeune femme est déterminée à laisser derrière elle son passé douloureux. Ses phrases sont entrecoupées d’un silence pesant. Elle passe une main dans ses cheveux blonds, les recoiffe en veillant à ce qu’ils couvrent les signes d’un violent coup dans l’oeil droit. Elle pose les mains sur ses jambes, soupire et se livre : « Je vais tout de suite déménager. Je veux partir de la maison qui me rappelle tous les jours ces quatre ans d’enfer. C’est fondamental, il ne doit pas savoir où j’habite à sa sortie de prison. » Son ancien compagnon, en détention depuis quelques jours, y restera dix mois. Jugé coupable de violences conjugales.  

« Le plus dur, c’est d’affronter le regard des autres »

Isabelle n’a pas envie de revenir sur les faits. Ils ne remontent qu’à la semaine dernière : « Si je le fais, si je raconte mon histoire, c’est pour les autres femmes. C’est la seule raison. Raconter est douloureux parce que cela signifie qu’on a réfléchi aux événements. » Ses yeux bleus fixent le mur, comme pour le percer : « La semaine passée il est revenu, comme toujours, très désagréable, très fastidieux, très irrespectueux. Il avait beaucoup bu. Il m’a frappée sans raison. Je me suis évanouie vers trois heures du matin et je me suis réveillée à l’hôpital. On m’a expliqué que c’est lui qui a appelé les pompiers. Il a failli me tuer. » La version a été confirmée par la gendarmerie, qui a tout de suite placé l’homme en garde à vue. « C’est la première fois que ses coups laissent des traces si évidentes. Et pas seulement physiques. J’ai honte de sortir de chez moi, d’aller faire mes courses, de rencontrer mes proches. Le plus dur c’est d’affronter le regard des autres. »

La relation entre Isabelle et cet homme a débuté  il y a quatre ans, sur internet : « J’étais contente au début. Et après il s’est révélé. Il cachait beaucoup de choses . J’ai subi ce manipulateur », murmure-t-elle. Les premiers coups sont arrivés un an plus tard, quand « j’ai commencé à l’héberger ». Isabelle lui demande de quitter l’appartement, mais l’homme revient régulièrement : « Je savais qu’il n’était jamais solvable, qu’il n’avait rien. Je lui ouvrais la porte. Je ne voulais pas lui causer d’autres ennuis. Tous ses soucis se reportaient toujours sur moi. » L’homme promet de « changer, changer, changer » et ne change pas. « J’ai toujours cru à ses paroles. Ça m’a pris quatre ans. Il revenait, il me disait qu’il avait changé. Après trois semaines, il recommençait. »

La difficulté de porter plainte

Isabelle a beaucoup hésité à porter plainte. Aujourd’hui, elle ne regrette pas ce choix et lance un message : « Aux femmes victimes de violences conjugales, n’ayez pas peur de porter plainte. Ça peut vous sauver la vie. » Elle l’a fait à l’hôpital, sur conseil de la gendarmerie : « J’avais déjà appelé la police cinq ou six fois mais je n’avais jamais franchi le pas. » L’homme a donc été jugé en comparution immédiate. « Ça a été très important le fait que, après le dépôt de la plainte, l’affaire a été jugée vite. » Quatre jours après les faits, il a été déclaré coupable par le Tribunal de Grande instance (TGI) de Dunkerque : « Ça m’a rassurée. J’ai réussi à mettre fin à cette histoire une bonne fois pour toutes. » Silence. « Maintenant tout est terminé », conclue-t-elle, soulagée. Isabelle révèle un sourire timide qui détend son visage fatigué. 

La jeune femme demande de changer son nom pour ne pas être identifiée. Elle choisit de ne pas parler de sa vie privée. Et se résume ainsi :  « Je travaille, j’ai une famille, une vie normale. Je ne suis pas qu’une victime. Je reste, avant tout, Isabelle. »

Arianna POLETTI

Image à la une : @CC0

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