Depuis janvier 2018, l’Université de Lille Droit et Santé propose un diplôme universitaire sur les violences conjugales. Une formation unique en France. Frédérique Le Doujet-Thomas, maître de conférences depuis 2003, en est la créatrice.
« J’avais envie d’un droit utile. » Frédérique Le Doujet-Thomas raconte la genèse du diplôme qu’elle a créé avec passion: « J’avais vraiment besoin d’un projet qui m’anime. » La première promotion du diplôme universitaire (DU) « Approche pluridisciplinaire sur les violences conjugales » a commencé les cours en janvier dernier. 130 heures d’enseignements sont prévues jusqu’en juin. Sur les neuf étudiants inscrits, sept sont issus du monde du travail. Psychologues, médecins … Au départ, c’est pour eux que Frédérique Le Doujet-Thomas a créé le diplôme : « Les travailleurs sociaux ont besoin qu’on reconnaisse leurs compétences sur les violences conjugales. » L’objectif : légitimer leur action.
L’idée de ce diplôme est née d’un constat : « Il y a un manque de « culture » sur les violences conjugales. Ce sont d’abord des violences de genre, à mettre dans le même sac que les inégalités de salaire et le plafond de verre. » Le couple, c’est un domaine que Frédérique Le Doujet-Thomas connaît bien. En 1995, elle entame une thèse intitulée « Le couple et les principes juridiques d’égalité et de non-discrimination ». Elle la soutient en 2001, avant de devenir maître de conférences en droit privé à l’Université de Lille Droit et Santé en 2003.
En parallèle de sa carrière à l’université, Frédérique Le Doujet-Thomas participe en 2012 au projet d’une cinquantaine de chercheurs baptisé REGINE (Recherche et Études sur le Genre et les Inégalités dans les Normes en Europe). Mais c’est en 2014, en prolongeant la réflexion du projet REGINE, que son travail se rapproche réellement des violences conjugales. Elle participe à un livre, dirigé par Marc Picard et Camille Viennot : Le traitement juridique et judiciaire des violences conjugales (2016, Mare & Martin). L’universitaire découvre alors que les violences conjugales sont rarement mentionnées comme cause de divorce. Les victimes ne sont donc pas indemnisées, « alors que ces violences causent des dommages psychologiques et physiologiques, sur la santé et sur l’enfant ».
Un diplôme « d’intérêt général »
Après le projet REGINE, Frédérique Le Doujet-Thomas commence à élaborer son diplôme sur les violences conjugales. Ses collègues Abla Koumdadji et Khalidja El Mahjoubi, organisatrices d’un colloque à Lille en 2014 sur le sujet, la mettent en relation avec des professionnels de terrain : « Ils étaient totalement enthousiastes. »
Le diplôme « Approche pluridisciplinaire sur les violences conjugales » a été validé par l’Université de Lille Droit et Santé en septembre 2017. « S’il n’avait pas été pas accepté, j’envisageais de toute façon de mobiliser pour qu’il finisse par ouvrir. » Une phrase qui confirme celle d’une amie de longue date : « Quand elle commence quelque chose, elle s’implique à fond. » Aujourd’hui, son objectif de créer « un diplôme d’intérêt général » est atteint. Grâce à lui, « le milieu universitaire a rencontré le milieu professionnel ». Frédérique Le Doujet-Thomas a su mettre à profit ce qui l’intéresse dans le droit : « comprendre comment fonctionne la société ». Comprendre, pour mieux y remédier.
Margot TURGY