Après avoir été victime de violences sexuelles par son compagnon et seule face au pouvoir de l’emprise, Pauline* a tenté en juillet dernier de mettre fin à ses jours. Après plusieurs semaines dans l’unité psychiatrique de l’hôpital Bonnafé à Roubaix, elle tente depuis quatre mois d’apprendre à recréer un lien entre elle et son corps.

As-tu le sentiment d’avoir vécu par moment une sorte de dissociation entre ton corps et ton esprit ?

Oui, lorsque mon ex-compagnon m’a forcé à avoir un rapport sexuel et que je n’ai pas réussi à me débattre, j’étais bloquée sous lui et mains tenues, mon corps a fini par arrêter de bouger et j’ai eu l’impression que mon cerveau s’était comme déconnecté. Je sentais juste les larmes couler, mais plus rien ne se passait dans mon corps. Louis, mon psychiatre, m’a dit que c’était de la dissociation et m’a donné une technique, lorsque ça se reproduit. C’est par exemple, de chercher trois choses bleues autour de moi. Ça me permet de me recentrer, et c’est ce qui m’a aidé lorsque j’ai porté plainte, parfois c’est évident, je suis entourée de cette couleur et pourtant je ne trouve rien de bleu.

Comment me décrirais-tu aujourd’hui ton rapport à ton corps ? 

Mon corps s’exprime alors que mon mental ne veut rien lâcher. Par exemple, le mois dernier, en sortant de chez la gynéco, j’ai eu comme un coup de poignard dans la poitrine, impossible de respirer, j’étais pliée en deux. J’ai dû voir un médecin en urgence, ainsi qu’une ostéo et un radiologue. Mon psychiatre m’a fait remarquer que c’était un an jour pour jour après le rapport sexuel forcé. 

Début juillet, j’ai voulu prendre rendez-vous avec une psychologue à Lille, je me sentais très mal, et mon corps aussi. Je suis allée chez mon ostéo, elle m’a dit « c’est un carnage ». J’avais des côtes déplacées, une déchirure à la cuisse gauche, le coccyx abîmé, une gastrite en cours, une tendinite à l’épaule droite, le haut du dos complètement bloqué. Et pourtant je me plaignais juste d’une tension aux cervicales.

Autre symptôme physique, lorsque je suis en séance psy, j’ai envie de vomir, mais pas des petites nausées, j’ai même déjà vomi. Il m’a dit que c’est l’émotion du dégoût qui s’exprimait. En plus de ça je fais sans cesse des cauchemars, assez violents dans le sens où mon lit est retourné.  Je suis en sueur totale et à chaque réveil alors que je dors sans chauffage. Une fois, je me suis carrément retournée un doigt pendant la nuit. Et quand je me réveille, mes mains sont complètement engourdies, pas moyen d’éteindre mon réveil tactile. Mes dents sont serrées et mon corps crispé. 

Se blesser est-ce selon toi le seul moyen que ton corps à trouver pour s’exprimer ?

J’imagine que oui. J’ai toujours eu la facilité de passer rapidement au-dessus d’une situation qui ne me plait pas, de passer à autre chose ou carrément d’oublier quand ça m’arrangeait. Ce que j’ai essayé de faire pendant des mois avec mon ex. J’imagine que mon esprit ne me laisse plus le choix et s’exprime via mon corps. 

* Les noms ont été changés

Propos recueillis par Solenn Lecat

En savoir plus sur Rompre l'emprise

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading