Élisabeth Chambon a été tuée par son conjoint dans la nuit du vendredi 22 au samedi 23 mars 2019 à Challans en Vendée. La cour d’assises de la Vendée a reconnu le meurtrier coupable des faits. Il a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle. Comme de nombreux proches de victimes, le frère d’Élisabeth Chambon, Thibault Chambon, a fait face à un grand manque d’accompagnement juridique après le féminicide.
Avez-vous reçu des conseils juridiques juste après le féminicide ?
Il n’y a vraiment rien eu. Je pense que c’est par mes recherches personnelles que j’ai eu connaissance de l’article 9-2 du droit à l’aide juridictionnelle. J’ai appris que dans le cas d’un crime portant atteinte à l’intégrité de la personne, il n’y a pas de condition de ressources pour bénéficier de cette aide. J’ai élaboré rationnellement, juridiquement, ce qui était possible pour moi, pour mon père, et éventuellement, pour les enfants de ma sœur.
Pourriez-vous décrire les carences que vous avez constatées dans l’accompagnement juridique des familles ?
Je pense à un courrier dans lequel les noms de la victime et de l’accusé ont été inversés. Il figurait aussi une fausse adresse mail dans l’entête du papier. Et quand tu as enfin quelqu’un au bout du fil pour le faire rectifier, tu as l’impression de les embêter.
Concernant le procès, on a même pas eu une fiche disant comment ça se passe. On devrait pouvoir savoir que tel jour, telle personne va intervenir. On devrait pouvoir savoir que des diapositives vont être projetées. On devrait pouvoir avoir au moins un plan montrant où l’accusé sera assis, où on sera assis. Moi je me suis renseigné, j’ai essayé de limiter l’incertitude. Et même avec ça, c’était plus violent et plus dur que ce que j’imaginais. Je regrette de ne pas avoir communiqué et diffusé les éléments que j’avais à d’autres membres de ma famille pour qu’ils sachent quel type d’horreur ils allaient voir.
Où avez-vous trouvé l’aide dont vous aviez besoin ?
J’ai parlé avec une juge, la sœur d’un ami. Avec elle, j’ai aussi eu des informations sur ce qu’on attend d’un procès d’assises, les carences, les lacunes, la place de l’accusé, la place de la victime, les échéances. Mais tout ça, c’est quelque chose que je n’ai eu que par réseau personnel. Sinon, l’institution judiciaire est aux abonnés absents. Il ne me semble pas qu’elle ait un quelconque volontarisme en matière d’accès au droit.
Je connaissais aussi l’existence du réseau d’aide aux victimes par l’AIAVM (Association intercommunale d’aide aux victimes et de médiation) à Lille et la Siavic (Service Intercommunal d’Aide aux Victimes) à Roubaix. C’est là qu’ils m’ont dit qu’il y avait une aide psychologique gratuite possible. Mais il faut être dans cette démarche d’identifier où trouver cette aide.
Comment avez-vous pris contact avec votre avocate, Anne Bouillon, spécialiste des violences faites aux femmes ?
C’était en écrivant à l’association Osez le féminisme 44. Ils m’ont suggéré ce nom. Je pense que c’est le secteur associatif et militant qui fait le travail de s’occuper des familles.
Concernant mon avocate, les échanges que nous avons pu avoir ont globalement été assez formels et procéduraux. Ce n’est pas non plus à ce niveau que l’on peut se préparer psychologiquement à l’épreuve judiciaire.
Selon vous, comment pourrait-on améliorer la prise en charge des proches de victimes de féminicide ?
Pour qu’une ingénierie soit efficiente, il faut doter l’institution. Il y a des avancées obtenues par des acteurs de terrain, par des coordinations d’avocates et d’avocats, par des associations, par des familles qui font bouger les choses, par des jugements qui sont rendus. Mais je ne peux pas croire que le gouvernement actuel, celui d’avant ou celui d’encore avant, ne puissent être pris au sérieux pour améliorer les choses. Il faudrait des investissements massifs et changer notre façon de penser pour adopter une approche plus progressiste et humaniste.
Lison Le Gloan