Le procès en appel de Hocine Hamoudi, jugé coupable en première instance du viol et du meurtre de sa compagne Sandra Helleputte, est attendu en 2025. Représentante de la famille de la jeune femme tuée à Hazebrouck en 2015, l’avocate Blandine Lejeune évoque la situation des quatre enfants co-victimes dans cette famille précaire mais solidaire.
Quel est – et a été – votre rôle avec les quatre enfants de Sandra Helleputte, victime de féminicide ?
Ça a été compliqué parce que Sandra Helleputte avait quatre enfants, dont trois mineurs au moment du décès. Rodolphe, le quatrième, avait 20 ans en 2015.
Ils et elles étaient issu.e.s d’une précédente union donc iels sont retourné.e.s chez leur père biologique, mais il était en colocation dans un petit appartement. On a fait en sorte qu’il soit relogé avec ses enfants. J’ai parlé à la presse, et il me semble que c’est la mairie d’Hellemmes qui leur a trouvé un logement. La famille était accablée, ses moyens étaient très modestes, il fallait les aider.
La famille de Sandra Helleputte, ce sont des gens simples pour qui aucune structure, aucun organisme ne s’est mobilisé. Ils et elles ont dû faire face à une telle violence : ils ont même dû nettoyer la scène de crime ! Rendez-vous compte, c’est la première fois que je voyais ça ! Je pensais que l’Etat prenait une partie du nettoyage en charge, parce que ça représente énormément d’argent. Iels avaient fait faire un devis par une société de nettoyage, ça coûtait 5 000€. La famille n’avait pas les moyens, elle a dû laver elle-même.
Où en est l’affaire Sandra Helleputte devant la justice ?
Ce n’est pas fini car l’accusé, Hocine Hamoudi, a fait appel. La famille est rassurée d’avoir vu qu’en première instance il a pris le maximum, il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle. Ce n’est pas étonnant qu’il fasse appel parce que ses avocats pensent pouvoir obtenir moins mais il est aussi mis en examen pour viol et violences conjugales envers une autre femme, ne l’oublions pas. On va aller devant la cour d’appel de Saint-Omer, normalement au premier semestre de 2024.
Est-ce que, dans le cadre d’une procédure générique pour les enfants de victimes de féminicide ou via une démarche personnelle, les enfants de Sandra Helleputte ont eu accès à des soins et un suivi psychologique ?
A ma connaissance, ils et elles n’ont pas eu de suivi psy. Les enfants ont la chance d’être dans une famille très unie avec des tantes et une grand-mère très présente. En ce qui concerne un quelconque protocole universel, je n’en ai pas vu. Le dossier remonte à 2015, il ne me semble pas que ça existait à l’époque, et je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui. Iels n’ont pas été suivis ou aidés par des psychologues mais on leur dit toujours qu’il existe des associations d’aide aux victimes.
D’un point de vue juridique, j’aurais pu demander une évaluation psychologique des dommages sur les enfants en tant que partie civile mais je n’ai pas fait la requête au juge d’instruction parce que ça prend énormément de temps. Il y a beaucoup de parties civiles dans ce dossier et ce n’est pas possible de demander une expertise pour tout le monde. J’estime que les juges sont capables d’estimer l’impact que cet homicide a sur ces enfants, et cela nous évite de perdre un, deux, ou trois ans dans une procédure déjà bien longue.
Après, les enfants peuvent avoir un accompagnement, notamment avec des consultations gratuites au CMP mais ils et elles n’en font pas toujours la demande. En fait ça dépend de comment le meurtre est vécu et aussi le rapport que les gens ont avec les psys. Certain.e.s pensent que pour en voir un.e il faut être fou. D’autres n’ont juste pas envie d’en parler, parce que ça va aiguiser leur souffrance. On ne peut pas les obliger mais ils et elles savent qu’iels peuvent demander de l’aide à n’importe quel moment de leur vie.
Comment les enfants ont-ils alors été accompagnés juste après le féminicide ?
Dans le cas de la famille Helleputte, l’assassin, Hocine Hamoudi, n’était pas le père des quatres enfants mais le compagnon de leur mère. Les trois plus petit.e.s, mineurs, sont donc retourné.e.s chez leur père biologique, l’ex-mari de Sandra. Le plus grand, lui, avait à peine 20 ans, il avait une copine, vivait chez sa mère. La question du transfert de l’autorité parentale sur l’aîné pour ses petits frères et sœurs ne s’est pas posée car ils et elles avaient encore leur père. Grâce à ça, on ne s’est pas non plus demandé si ils devaient être placés. Parce que sans solution pour un enfant mineur, on saisit le juge et c’est le placement. Le majeur échappe au moins à cet enfer. Il y a des personnes qui s’en sortent mieux que d’autres. Je pense à l’une des filles de Sandra, elle était très jeune et avait assisté à beaucoup de scènes de violences. Désormais elle fait des études, elle a une sacré résilience. C’est une question de force mentale mais aussi de hasard de la vie.
Loïs Hamard