Séquelles psychologiques et physiques, cicatrices sur le corps, amnésie traumatique, … Les violences sexuelles et sexistes laissent des marques. Sur le corps certes. Mais dans le cerveau également. Comment ré-apprendre le contact après avoir traversé une agression malveillante, violente et destructrice ? Comment se reconnaître, s’aimer et se reconnecter avec le corps ? Trois questions à Mathilde Le Gaz, psychothérapeute, spécialisée dans l’accompagnement psycho-corporel.
Mathilde Legaz, vous êtes psychothérapeute à Woman’Dō ( Dō signifie « le chemin« de la femme en japonais), planning familial à Bruxelles spécialisé dans l’accompagnement post-traumatique de femmes exilées en séjour précaire ayant fui des violences. Au sein de Woman’Dō, vous avez une approche corporelle pour accompagner les victimes de violences sexistes et sexuelles. Qu’est-ce que l’accompagnement psycho-corporel ?
L’accompagnement psycho-corporel proposé à Woman’Dō est centré sur la réhumanisation de personnes lourdement traumatisées et dont les droits ont été bafoués. Nous proposons un accueil chaleureux et bienveillant, avec une écoute respectueuse. Même nous, en tant que thérapeutes, nous sommes très respectueuses du toucher, du corps et nous sommes très proches des patientes. Nous allons vite proposer le tutoiement, on est dans une position d’égal à égal. En tant que psychothérapeutes, nous proposons différents outils psychothérapeutiques liés au corps, comme des massages habillés ou à l’huile par exemple. Nous prêtons une attention particulière au rythme de chacune. Nous ne forçons jamais une personne à s’exprimer sur son vécu traumatique, au risque de consolider le traumatisme dans la mémoire.
Comment les massages vous permettent-ils de rendre compte des traumatismes vécus ?
Le corps garde en mémoire les violences subies. Lors de soins psycho-corporels, nous explorons les séquelles post-traumatiques, à travers des massages et des soins énergétiques. Certaines patientes que nous accompagnons ont subi des tortures et des violences très graves qui leur laissent des cicatrices physiques et psychiques. Lors de massages thérapeutiques, nous accompagnons la personne à se questionner sur ce qu’il se passe. Le corps nous livre des informations importantes dont la personne n’a parfois pas conscience. Certaines patientes expérimentent pour la première fois un toucher bienveillant. Certaines femmes ont parfois été abusées, frappées et malmenées toute leur vie. Nous les accompagnons à réapprendre à aimer leur corps.
Comment la psychologie corporelle permet-elle une reconstruction identitaire ?
Lors d’un traumatisme, il y a une rupture dans le psychisme et une rupture dans l’identité. Dans ma consultation juste avant, une patiente m’a dit : “Tu vois cette tasse brisée en mille morceaux ? C’est comme moi, il faut maintenant la reconstruire mais cette tasse ne sera jamais plus pareille ». Une reconstruction identitaire passe par la re-conscientisation de son corps. Certaines personnes qui ont vécu des événements traumatiques se déconnectent de leurs sensations physiques. La reconstruction identitaire passe par la reconnexion de chaque personne à son être, son essence.
Lors de violences, il se peut que la personne dissocie. Lorsqu’une personne vit des choses très difficiles, elle peut se déconnecter de son corps pour se protéger. La dissociation est un mécanisme de protection qui peut devenir pathologique si elle perdure dans le temps. Certaines patientes souffrent d’états dissociatifs récurrents ce qui handicape grandement leur quotidien. Le travail que nous proposons à Woman’Dō cherche à reconnecter la personne à ses sensations corporelles afin de se réancrer dans le présent.
Propos recueillis par Téa ZIADÉ
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