La France est passée, samedi 14 mars, au stade 3 de l’épidémie de coronavirus. Face à la pandémie, le gouvernement a martelé un message : “Restez chez vous”. Les déplacements non-nécessaires sont désormais interdits. Quelles sont les implications de cette mesure dans les foyers en situation de violences conjugales ?
En France, les collectifs féministes comme Nous Toutes et les Collectifs de collages contre les féminicides ont commencé à se mobiliser autour de la question en relayant l’appel de militantes italiennes. “Ça a commencé sur les réseaux sociaux, certaines personnes ont commencé à nuancer le message du gouvernement, #stareacasa, rester à la maison”, raconte Candice, fondatrice du Collectif de collages contre les féminicides de Bologne.
Le message a été repris par Nous Toutes dès le lendemain, avec un slogan fort : “Il est déconseillé de sortir, il n’est pas interdit de fuir”.
“On se contente de relayer le numéro, parce que ce sont les associations qui sont en mesure de dire ce qu’il convient de faire. Notre but, c’est de dire aux femmes qui sont confinées qu’elles ont au moins une échappatoire : appeler les numéros d’urgence”, détaille Candice.
“Un terreau propice aux violences conjugales”
En Chine, premier pays à avoir mis en place le confinement, les violences conjugales sont en hausse. “Depuis que les gens sont confinés à domicile, les ONG ont signalé une augmentation de la violence domestique”, explique l’hebdomadaire britannique The Economist.
En France, la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes / hommes, Marlène Schiappa a pris la parole à la veille du confinement général. “Le confinement à domicile peut hélas générer un terreau propice aux violences conjugales”, a-t-elle déploré. Tout en assurant que l’accueil de nouvelles victimes sera toujours possible, elle précise que “les activités des 1630 associations financées par l’Etat sont limitées pour protéger les salariés, les bénévoles et les personnes accompagnées du virus.”
Le numéro d’urgence 3919 est toujours actif mais son activité est réduite. Marlène Schiappa recommande de passer par la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr ou par le 17, le numéro de la police.
Sur Twitter, jeudi 19 mars, Marlène Schiappa a précisé : “Nous mettons en œuvre, avec Solidarité femme, le plan de continuité du 3919 pendant le confinement.” Un moyen pour les femmes victimes de violences conjugales de continuer à joindre ce numéro d’aide même en période de confinement. Quant aux personnes chargées de prendre ces appels téléphoniques, “les écoutantes confinées se voient attribuer un téléphone adéquat et du matériel informatique afin de mettre en place une écoute à distance.”
La mince marge de manœuvre des associations
“C’est un risque évident : la situation des personnes victimes de violences conjugales ne va pas s’arranger avec le confinement, souligne Pascal Péchard, chef de service de l’association La Pose à Valenciennes. Le problème de base des violences conjugales est renforcé : on ne peut pas savoir ce qui se passe derrière la porte du foyer.” L’association d’aide aux familles démunies continue malgré tout son activité, avec un effectif restreint qui assure une permanence.
Au service d’écoute Brunehaut de l’association lilloise Solfa, les entretiens téléphoniques entre les salariés et les femmes victimes de violences ont remplacé les entretiens physiques. “L’accueil de jour a restreint ses plages horaires”, explique Oriane Van Den Berghe, salariée chez Solfa. “Si une femme appelle pendant les horaires classiques, elle trouvera toujours quelqu’un au téléphone”, précise-t-elle. En cas d’urgence vitale ou de danger, elles doivent contacter la police.
Avec le confinement, “il est moins facile d’appeler car monsieur est au domicile en télétravail, signale Oriane Van Den Berghe. Hier, j’ai reçu l’appel d’une femme qui n’a pu le faire que parce que son conjoint était sorti promener le chien.” Les appels reçus à l’écoute Brunehaut sont par conséquent moins nombreux depuis le début du confinement. “C’est assez calme mais ça risque de changer.” En effet, le confinement peut conduire à des effets d’aggravation des violences dans certaines familles, déplore Oriane Van Den Berghe. “La promiscuité va raviver des tensions au sein des foyers.” Si le confinement tend à se prolonger, cela sera “compliqué car seuls les centres d’accueil d’urgence peuvent continuer à accueillir les femmes”, détaille-t-elle.
Comment venir alors en aide à ces femmes victimes de violences quand les places en hébergement d’urgence se font rares ? Quelles solutions le gouvernement peut-il apporter pour aider ces femmes ? La priorité pour les associations reste plus que jamais de faciliter la mise à l’abri de ces femmes victimes de violences et de continuer à maintenir un accompagnement téléphonique avec elles en ces temps troublés.
Marion Prudhomme, Alice Marot
image d’illustration : capture d’écran de la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr