Luc Frémiot est l’une des figures majeures de la lutte contre les violences conjugales en France. A la retraite depuis plusieurs mois, cet ancien magistrat a répondu à nos questions.
« Je suis encore sollicité régulièrement par des médias » Luc Frémiot est un habitué de l’exercice. L’interview débute et il semble déjà savoir ce qu’il a à dire. La caméra ne l’effraye pas, il l’utilise plutôt pour capter son auditoire. Dans son combat contre les violences conjugales, l’ancien procureur de Douai sait combien ses interventions sont importantes : « à mes débuts, je n’avais pas les textes legislatifs nécessaires pour lutter contre ces violences. C’est en médiatisant cette cause que j’ai eu accès à l’Assemblée Nationale et au Sénat pour participer à l’élaboration de lois pour permettre aux magistrats d’agir ». Un chemin médiatique nécessaire selon lui : « depuis 2003 on en parle, il y a des documentaires, des magazines, des grandes affaires comme celle d’Alexandra Lange, l’affaire Jacqueline Sauvage. Toutes ces affaires contribuent à donner un coup de projecteur sur ces sujets ».
« Acquittez la ! »
« L’affaire Alexandra Lange », c’est celle d’une femme victime de violences conjugales jugée pour le meurtre de son mari. En 2012, alors qu’il est avocat général aux Assises du Nord, Luc Frémiot obtient son acquittement. Au cours de son réquisitoire, il devient le meilleur avocat de l’accusée alors que son rôle, en théorie, est de demander condamnation. Il prononce un discours emprunt de colère : « mettez-vous à sa place, je vous le demande, je vous implore (…) moi aujourd’hui je ne veux pas la laisser seule, et je suis à ses cotés ». Alexandra Lange s’effondre dans les bras de son père. La voix tremblotante, Luc Frémiot conclue : « C’est l’avocat de la société qui vous le dit : vous n’avez rien à faire dans une cour d’assises, Madame. Acquittez la ! ».
En 2015, l’histoire de ce procès est adaptée à l’écran par Claude-Michel Rom. « L’Emprise », un téléfilm diffusé sur TF1 qui a rassemblé plus de 8 millions de téléspectateurs.
Dans notre entretien, Luc Frémiot revient sur le dispositif inédit de prise en charge des victimes et des auteurs qu’il a mis en place dès 2003. Il exprime aussi sa colère quant aux attitudes du corps judiciaire face à certaines affaires.
Perrine ROGUET, Benjamin RECOUVREUR et Alix GUIHO