En couple depuis six mois, Patricia*, 26 ans, subit des violences psychologiques et verbales de la part de son compagnon. Fatiguée de cette situation, elle a porté plainte contre lui mais ne se résigne pas à le quitter.

Pour Patricia*, tout commence il y a six mois, quand elle rencontre « monsieur » lors d’une hospitalisation en  psychiatrie : « Je ne savais pas qu’il avait un handicap mental, ses propos étaient très cohérents. » Son conjoint étant sans domicile fixe, Patricia décide au bout « d’un mois, un mois et demi », contre l’avis de sa famille et des professionnels de santé qui la suivent, de le faire emménager chez elle. « Ils m’avaient dit qu’il profiterait de moi. Je n’ai écouté personne, et c’est ce qu’il a fait. »

Le compagnon de Patricia la « vide psychologiquement et [lui] prend de l’énergie ». Rapidement, l’histoire d’amour tourne au cauchemar : « Ça fait six mois qu’on est ensemble et ma première plainte à la police date d’il y a deux mois. » Malgré ses plaintes, « monsieur » vit toujours avec elle : « Je le fais virer par la police et je le reprends. » À chaque fois, c’est le même schéma : Patricia fait expulser son compagnon, qui promet de changer. Alors elle se remet avec lui. Mais « c’est encore pire la fois d’après ». Patricia en parle à sa mère, qui lui propose à plusieurs reprises d’expulser son compagnon de chez elle. “Mais à ce moment-là, ça allait mieux… » et puis, une nouvelle fois, l’histoire se répète.

Patricia sait que sa situation est dure à comprendre : « La victime se plaint mais recommence le même processus. D’un point de vue extérieur, on pourrait penser qu’elle aime ça, mais non. Non, j’aime pas ça. Quand j’en ai pris conscience, c’était comme me prendre une claque dans la gueule. Se dire qu’on est victime, c’est compliqué. »

Une prise de conscience difficile

Le compagnon de Patricia ne l’a jamais violentée physiquement : « Il connaît ses limites. Comme je suis en fauteuil roulant, il sait que s’il me frappe, il aura des problèmes ». Mais parfois, il cherche à l’intimider, avec des gestes explicites qui sous-entendent qu’il pourrait l’attaquer physiquement. Patricia est victime de violences psychologiques et verbales de la part de son conjoint : « Il m’a lavée psychologiquement et mise par terre (…), il y a des violences répétées. » Malgré tout, elle s’estime chanceuse : « Heureusement, je n’ai pas subi de coups ni de viols. (…) Certaines femmes endurent pire que moi, je n’ai pas à me plaindre. »

Patricia a longtemps réfléchi avant de porter plainte : « La prise de conscience ne s’est pas faite tout de suite pour moi. » Mais quand son conjoint crie sur sa fille de 7 ans, c’est le déclic : « J’ai beaucoup pleuré. J’ai pris conscience que ce n’était pas normal. » Sa fille, elle, est consciente du danger : « Vire-le, maman, il est méchant. Il va te faire du mal. » Pour Patricia, le plus difficile est de ne pas pouvoir protéger sa fille : « Parfois quand il crie sur ma fille, j’ai des envies de meurtres. »

Cette relation toxique a poussé Patricia à demander à la police une mesure d’éloignement il y a deux mois : « J’ai besoin de la contrainte pénale pour me séparer de lui. » Pour l’obtenir, la police lui conseille de multiplier les plaintes.

« Je me sens responsable de tout, alors que je sais que ce n’est pas moi »

Comme beaucoup de femmes victimes, Patricia a peur : « Je veux juste qu’il arrête et qu’il se soigne. Il m’a toujours dit que s’il allait en prison, il se suiciderait. » La peur « qu’il se suicide chez elle » et qu’on la tienne pour responsable est elle aussi présente. Son compagnon alimente son emprise psychologique, en se mutilant régulièrement. « Je me sens responsable de tout, alors que je sais que ce n’est pas moi. » La crainte d’aller en prison « pour un truc que je n’ai pas fait » est plus forte que tout.

Le conjoint de Patricia ne sait pas qu’elle a porté plainte pour violences conjugales : « J’ai peur qu’il redouble de violence s’il est au courant … Il dit qu’il change, mais il ne change pas. » Lors de sa première visite à l’Hôtel de police de Lille, elle a tout de suite demandé à parler au service d’aide aux victimes. La deuxième fois, elle a vu un juriste. Elle devait le recontacter, mais n’a pas sollicité d’autres rendez-vous. Ce dont Patricia a besoin, c’est plus de partager ce qu’elle vit, que d’aide pour ses démarches.

Pour Patricia, ce n’est que le début. « Le travail va être long » … la reconstruction aussi.

Camille BRONCHART

* Prénom d’emprunt

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